Loyers commerciaux impayés et référé : la bonne foi au secours du locataire durant le confinement

Le Tribunal de commerce de Paris a rendu deux décisions audacieuses en matière de loyers commerciaux le 26 octobre dernier (n°20/53713 et n°22/55901).

En l’espèce, deux bailleurs de locaux commerciaux ont assigné en référé leur locataire en paiement de loyers qui n’avaient pas été réglés notamment durant la période de confinement.

LES FAITS

La question qui se posait pour le Juge du Tribunal de commerce était de savoir si un bailleur commercial pouvait obtenir en référé la condamnation de son locataire au paiement d’impayés remontant à la période du premier confinement alors que la majorité des établissements de commerce étaient fermés.

Dans la première espèce, il s’agissait de l’action d’un propriétaire d’un local dans lequel était exploitée une salle de sport tandis que la secondaire concernait un exploitant d’une parapharmacie.

FORCE ET MAJEURE ET MANQUEMENT DE DÉLIVRANCE DES LOCAUX : LES ARGUMENTS DES LOCATAIRES REJETÉS

La procédure de référé est prévue à l’article 808 du Code de procédure civile qui dispose que :

“Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.”

Loyers commerciaux impayés confinement

Cet article prévoit donc :

  • deux conditions alternatives : l’absence de contestation sérieuse ou l’existence d’un différend
  • et une condition cumulative: l’urgence.

C’est sur ce fondement juridique que des bailleurs de locaux commerciaux ont sollicité auprès de la Juridiction commerciale le règlement de loyers impayés.

Il s’agit d’ailleurs de la procédure classique pour obtenir le plus rapidement possible une condamnation au remboursement de loyers commerciaux impayés.

Pour faire échec à cette demande de paiement, les locataires ont fait état des contestations sérieuses suivantes :

  • La force majeure due au confinement ;
  • Le manquement du bailleur à son obligation de délivrance.

Ces arguments n’ont pas prospéré puisque le Tribunal a énoncé que :

“si l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures durant cette même période interdisait l’exercice par le créancier d’un certain nombre de mesures d’exécution forcée pour recouvrer les loyers échus entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, ce texte n’avait pas pour effet de suspendre l’exigibilité du loyer dû par le locataire commercial dans les conditions prévues au contrat.”

Néanmoins, la juridiction commerciale à fait preuve d’imagination pour présenter un fondement différent permettant de rejeter les demandes des bailleurs.

LA DÉCISION DU TRIBUNAL : LA BONNE FOI DANS L’EXÉCUTION DU CONTRAT AU SECOURS DU LOCATAIRE

De manière assez surprenante, le juge a tout de même rejeté les demandes en paiement des bailleurs en jugeant les contestations de leurs locataires sérieuses sur un autre fondement juridique : l’exigence de bonne foi dans l’exécution des contrats.

En effet, en cas de circonstances exceptionnelles bouleversant gravement l’économie du contrat, la bonne foi commande que les parties adaptent les modalités d’exécution de leurs obligations respectives.

Il est important de noter que dans ces deux espèces, le secteur d’activité des locataires avait été “fortement perturbé économiquement” par le confinement et que ces derniers justifiaient avoir engagé des tentatives de règlement amiable auprès de leurs bailleurs.

Ce sont ces deux éléments qui ont déterminé la décision du Tribunal.

LA PORTÉE DE LA DÉCISION SUR LE PAIEMENT DES LOYERS COMMERCIAUX EN PÉRIODE DE CONFINEMENT

En tout état de cause, ces décisions ne doivent pas inciter les locataires commerciaux à cesser de régler leur loyer durant ce deuxième confinement.

Il convient de rappeler avant tout que cette décision concernait une procédure en référé, c’est-à-dire un contentieux qui ne doit souffrir d’aucune contestation sérieuse possible.

Au contraire, la position audacieuse du Juge aurait bien moins de chance de prospérer sur une procédure au fond.

Ces ordonnances encouragent néanmoins bailleur et locataire commercial à faire preuve de bonne foi dans l’exécution du contrat qui les lie.

Le Cabinet PRC AVOCAT s’occupe aussi bien de la défense des locataires que de celle des bailleurs commerciaux, vous accueille et vous conseille dans ce type de contentieux.

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