I Les faits
Dans un arrêt du 18 janvier 2023, la Cour de cassation s’est penchée sur une question fréquemment posée : le locataire peut-il rendre les clefs de l’appartement qu’il louait par courrier recommandé ? La question pourrait surprendre, tant il est difficile de comprendre pourquoi un locataire voudrait prendre le risque d’agir ainsi, mais elle est loin d’être inédite puisque la loi permet précisément cette possibilité.
Dans cet arrêt, la particularité repose sur le fait que le bailleur a attendu quinze mois avant de solliciter le paiement de l’indemnité d’occupation en indiquant que l’enveloppe qu’il avait reçu était vide.
Dans la mesure où il incombe au locataire de démontrer qu’il a effectivement remis les clefs au bailleur, les juges du fond de première et seconde instance ont condamné le locataire à indemniser le propriétaire à la somme de 12.813 € au titre des indemnités d’occupation.
C’est en ce sens que la Cour de cassation a été saisie.
II La solution
Du point de vue de la loi, le locataire a parfaitement le droit de rendre les clefs par courriers recommandés.
En effet l’alinéa 3 de l’article 22 de la loi du 6 juillet 1985 dispose :
“Il est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu’elles soient dûment justifiées. A cette fin, le locataire indique au bailleur ou à son mandataire, lors de la remise des clés, l’adresse de son nouveau domicile.“
La loi permet donc la remise des clefs par recommandé. Cette pratique est toutefois dangereuse car il lui revient également de démontrer les avoirs remis.
Dans cette affaire, la Cour de cassation est allé un peu plus loin : elle a estimé que le locataire avait démontré la remise des clefs par recommandé car le bailleur reconnaissait avoir reçu le recommandé (ndlr il affirmait quinze mois après que l’enveloppe reçue était vide).
Cette position peut être considérée comme surprenante dans la mesure où il est parfaitement possible d’envoyer un enveloppe vide particulièrement lorsque les rapports entre les deux parties étaient conflictuelles.
Dès lors le simple envoi d’un courrier recommandé pourrait, théoriquement, permettre au locataire de démontrer la remise des clefs. Cette solution est risquée car elle ouvre la porte à des abus.
Cette solution est toutefois à prendre avec prudence car les circonstances de l’espèce étaient particulières : le bailleur a attendu quinze mois avant d’affirmer ne pas avoir reçu les clefs.
Bien que la Cour de cassation n’ait pas jugé utile de préciser si cet élément avait joué ou non, nul doute que cela a du avoir une influence.
III Pour aller plus loin
Si un locataire décide d’envoyer des clefs par lettre recommandé, il est préférable de le faire signifier par huissier : cela lui coutera plus cher mais la remise sera incontestable.
Si un propriétaire reçoit une enveloppe vide, il est recommandé d’informer immédiatement le locataire que celle-ci était vide, et donc lui préciser qu’il se réserve le droit de solliciter le paiement d’une indemnité d’occupation jusqu’à une remise réelle et effective desdites clefs.
N’hésitez pas à contacter Me Ribeiro de Carvalho, Avocat en droit immobilier pour toutes questions relatives à ces sujets.
Vous pouvez consulter l’arrêt complet sur le site de la Cour de cassation.